Chacun à sa manière, ces auteurs ont procédé à une critique de la société et des logiques entravant la réalisation de soi des individus. La dépendance vis-à-vis du jugement d’autrui (Rousseau), l’aliénation du travail (Marx), le nihilisme (Friedrich Nietzsche), la « contamination » de la communication humaine par les logiques bureaucratiques (Habermas) : à chacun son interprétation des « pathologies sociales » qui détournent la société des potentialités émancipatrices qu’elle recèle.
Pour A. Honneth, la méthode est pertinente, mais doit être adaptée à une critique du capitalisme contemporain et de ses pathologies spécifiques. La moindre n’est pas d’avoir retourné « les idéaux en contraintes », les « revendications en exigences ». En écho au Nouvel Esprit du capitalisme, de Luc Boltanski et Eve Chiapello, A. Honneth retrace le curieux destin du projet d’émancipation moderne.
Les aspirations à l’autonomie, à l’authenticité, à la réalisation de soi, qui avaient trouvé à s’exprimer dans la période « sociale-démocrate » de l’après-guerre, sont devenues les « facteurs de production » du capitalisme « néolibéral ».
Ainsi, la « reconnaissance » (l’évaluation positive du salarié comme « entrepreneur de lui-même », par exemple) peut devenir une idéologie trompeuse, dès lors qu’elle ne pourvoit pas « aux conditions matérielles de réalisation effective des qualités nouvelles des personnes concernées ».
Poussant les salariés à se montrer flexibles jusqu’à endosser tous les revers de fortune, une telle reconnaissance revêt alors les traits du mépris…Xavier de la Vega