Recherches historiques sur l’inconscient de l’homme moderne.
L’exposé de Freud sur le fantasme sexuel, qu’il fait dériver de la
légende d’Œdipe, est proposé comme un exemple de légendes classiques
exprimant des concepts psychologiques fondamentaux ; elles pourraient
être encore mieux comprises et appréciées en analysant ces concepts.
De même que l’étude de l’activité de l’inconscient de celui-ci peut
s’appliquer à la compréhension de la psychologie des problèmes
historiques et symboliques, ainsi l’inverse, càd l’étude comparative du
matériel historique, pourrait éclairer les problèmes psychologiques
individuels d’aujourd’hui. C’est précisément dans la perspective
d’acquérir de nouvelles connaissances sur les fondements de la
psychologie qu’est proposée l’étude du matériel historique.
Les deux modes de la pensée.
Le principe de la répétition ontogénétique de la psychologie
phylogénétique est expliqué en montrant la relation entre l’inconscient
humain, ou pensée non dirigée, et la mythologie et les légendes.
Description des deux types de pensées : la pensée dirigée dont la
science est la forme supérieure et qui est fondée sur le discours, et
une pensée non-verbale, indirecte et associative, appelée communément
rêve. Ces deux formes de pensées se rapportent à deux activités
humaines : l’adaptation à la réalité extérieure et le retour vers des
intérêts subjectifs. La pensée indirecte caractérise les anciennes
cultures, l’homme primitif et les enfants. Le parallélisme entre la
pensée mythologique des anciens et celle des enfants et des primitifs,
ou encore celle que l’on retrouve dans les rêves, laisse supposer qu’il
existe une correspondance entre le développement ontogénétique de
l’individu et la phylogenèse du développement psychologique du genre
humain. L’examen de certains contes et mythes illustre l’idée que ce qui
représente chez l’homme moderne un fantasme secret était, jadis, une
coutume ou une croyance parfaitement acceptées : l’origine du fantasme
individuel est considéré comme une compensation, celle par exemple de
l’adolescent qui rêve d’être issu de parents sains et importants,
fantasme que l’on retrouve dans les légendes de Remus et Romulus ou de
Moïse. La pensée dirigée entre en contact avec les contenus de
l’inconscient mais pas avec ses motivations.
L’hymne à la création.
L’analyse du conflit inconscient à l’origine du poème onirique de Miss
Miller, "L’hymne à la création", et la recherche du but de ce rêve
conduisent à une interrogation sur la place de Dieu et de la religion
dans l’adaptation psychique de l’homme. "L’hymne à la création" écrit
par Miss Miller à son réveil, représente la projection des conflits
refoulés nés de son attirance amoureuse pour un marin à peine
entr’aperçu, tandis que sa propre interprétation du rêve dénote son
identification à la protestation d’innocence de Job et rejette tout le
"mal" sur les autres. Le rôle de Dieu, archétype paternel projeté et
dépositaire des problèmes humains, est abordé par rapport à une demande
religieuse de confession ; cette dernière maintient la conscience des
conflits - ce que recherche la psychothérapie.
Le chant de la mite.
Analyse détaillée du symbolisme sous-tendant le poème, "Le chant de la
mite", de Miss Miller et tentative pour décrire l’état psychologique de
l’auteur, en fonction de ce symbolisme mais aussi des explications
qu’elle en donne. Il s’agit d’un poème onirique comme "L’hymne à la
création" et il révèle les mêmes complexes. Miss Miller interprète
elle-même le désir de la mite pour le soleil comme le désir de l’homme
pour Dieu, et les recherches sur le symbolisme du soleil confirment ce
thème. On considère que le poème traduit l’intention de transformer son
désir pour l’homme, son objet d’amour (le chanteur), en un désir pour
Dieu. L’énergie psychique (la libido) crée l’image de Dieu en utilisant
un modèle archétypique et conséquemment en vénérant comme divine cette
même force psychique ; ceci permet à l’homme de sentir en lui la
divinité et d’augmenter son sentiment d’importance et de puissance. Un
grand nombre de textes et de références confirment le symbolisme du
soleil, de la lumière et du feu comme représentants du divin. On
considère que ces concepts récurrents représentent un archétype, càd non
pas une idée héritée mais une disposition de l’homme à produire des
idées similaires. En évoquant les précédents historiques des symboles de
la mite et du soleil, c’est pour le héros solaire que brûle l’âme/mite
de Miss Miller. Les fantasmes morbides de Miss Miller sont
représentatifs de l’ambivalence de l’amoureux vis-à-vis de sa passion
dont le pouvoir est en même temps bénéfique et destructeur.
Le pouvoir de la libido
En référence au concept psychologique de libido, développement des
références classiques relatives au symbolisme concerné dans le poème
onirique "Le chant de la mite" et au symbolisme du phallus dans les
légendes. On cite les références au soleil comme image de Dieu, le
soleil représentant le pouvoir créateur de l’âme (la libido). On fait
remarquer que le culte du soleil est logique si on considère la
dépendance physique de l’homme par rapport au soleil. Des extraits du
Shvetashvatara Upanishad et du Kasha Upanishad présentent comme divins
des symboles phalliques, tels que les poucets ou les nains mais aussi le
soleil, aussi puissants que la clé offerte par Méphistophélès à Faust.
Tous ces symboles représentent le pouvoir de la libido, le phallus en
particulier représentant la divinité créatrice. Ces exemples servent à
montrer que la "libido" de Freud n’est pas uniquement sexuelle, bien que
la sexualité soit un composant de sa force. Il est fait appel à la
définition de la libido par Cicéron : une "cupidité effrénée" opposée à
la "volonté", et à celle plus large de St. Augustin, pour appuyer une
utilisation plus étendue de ce concept.
Le concept de libido
Discussion sur la première définition de la libido par Freud et sur les
raisons d’une modification de cette définition. Bien qu’à une époque
Freud ait considéré la libido équivalente à un intérêt en général, il
est finalement retourné à sa première définition d’une libido comme
énergie sexuelle inondant les autres instincts et il a pensé que la
paranoïa pouvait s’expliquer par la perte de l’intérêt libidinal. Ce qui
disparaît dans la schizophrénie est bien plus qu’un intérêt érotique :
ce qui est perdu est toute la relation à la réalité et la libido est
identique à ce qu’on appelle l’énergie psychique, l’appétit à son état
naturel. La différenciation, dans le psychisme humain des besoins et
pulsions élémentaires liés à l’instinct de reproduction, a créé des
fonctions psychiques complexes qui sont à présent indépendantes de la
sexualité. Cette conception de la libido, plus large et énergétique,
explique le fait patent qu’un instinct peut être dépotentialisé en
faveur d’un autre ; c’est ainsi que les perturbations sexuelles de la
névrose sont des phénomènes secondaires et non primaires. La perte de
réalité dans la schizophrénie n’est donc pas causée par une libido
incontrôlée, mais provient de l’investissement de l’énergie psychique
dans des fantasmes archaïques. On considère que dans les névroses, la
réalité est plutôt faussée que perdue et que le fantasme est plutôt
d’origine personnelle qu’archaïque. On pense que le bénéfice pour
l’homme de cette énergie psychique investie dans des formations
analogiques se trouve dans le développement général de l’esprit humain,
de la préhistoire à nos jours.
La métamorphose de la libido
On analyse, chez une patiente schizophrène, les modèles de réactivation
régressive au stade pré-séxuel et on les compare à la transformation de
la libido liée à la préparation du feu et au mouvement rythmique des
premières étapes du développement humain. Ce cas fait apparaître une
régression vers les mouvements rythmiques précoces, tels ceux que l’on
observe dans la succion rythmée des bébés, lorsque la libido est encore
investie dans la zone nutritionnelle. Avec la transformation de la
libido au cours du développement de l’enfant, ce modèle est transféré
vers d’autres fonctions et ultimement vers la fonction sexuelle. On
appelle cependant "période pré-sexuelle", la période allant de la
naissance aux premières manifestions sexuelles patentes. La littérature
et les légendes fournissent des exemples de la relation entre la
lassante activité rythmique observée dans la régression des patients et
la préparation du feu. On cite des exemples provenant des différentes
périodes de l’histoire et de peuples variés pour confirmer l’existence
d’une ressemblance générale entre la préparation du feu et la sexualité.
Etant donné que la sexualité est la composante psychique dotée de la
plus forte tonalité affective, les régressions, comme les rituels
primitifs, manifestent une analogie avec elle bien qu’ils dérivent en
fait d’un stade libidinal pré-sexuel. On considère également comme
pré-sexuelle la transformation de la libido. Bien que la peur ne soit
incontestablement pas à écarter, le refoulement de la libido est plutôt
fondé sur des facteurs externes et internes que sur le tabou de
l’inceste proposé par Freud. La force d’un tel refoulement provient
d’images primordiales et archétypiques à effet numineux spécifiques. La
littérature indoue sur la préparation du feu, les légendes du feu né de
la bouche, les références bibliques du feu sortant de la bouche et la
poésie de Goethe confondant le son, la lumière, la parole et le feu,
sont donnés en exemples de la conversion d’une libido originellement
investie dans la sphère nutritionnelle et non dans la sphère sexuelle.
Le symbolisme du feu est analysé en référence au Livre de Daniel, au
Bhagavad Gita et à Platon, mais aussi à la pyromanie et à la préparation
du feu. Les cérémonie du feu sont analysées comme un exemple de la
canalisation progressive de l’énergie psychique en action.
La naissance du héros
Analyse du héros, appelé "le plus beau symbole de la libido", tel qu’il
apparaît dans la mythologie, les légendes et le rêve dramatique d’une
patiente, Miss Miller. L’origine de la vision de Miss Miller est une
introversion passive qui rejette l’objet d’amour au profit d’un
investissement de la libido sur un substitut intérieur créé par
l’inconscient. Pour l’humanité en général, cette introversion de
l’attention libidinale est patente dans le culte du héros symbolisant
une puissance psychique archaïque refoulée par la pression sociale. Ce
besoin humain, la recherche d’un surhomme qui symbolise l’idée, les
formes et les forces de l’âme est reconnu par l’église catholique qui
présente Jésus comme un héros visible. Analyse des prolongements de la
signification du sphinx qui apparaît dans le rêve de Miss Miller et l’on
en déduit que pour elle, il représente ce qu’il était pour Œdipe : une
menace d’inceste. Un Aztèque, image masculine surgissant de l’image du
sphinx, confirme cette interprétation ; analyse du sens symbolique des
vêtements et de l’apparence de ce personnage. On explique le processus
de refoulement et de régression qui mène au surgissement inconscient de
ce genre de personnages archétypiques. Dans la mesure où les contenus
issus de l’inconscient proviennent du matériel infantile refoulé, on
analyse entre autres significations symboliques, la psychologie de
l’intérêt de l’enfant pour ses excréments, ce qui touche à l’analité et
la confusion qu’il fait entre création et défécation. La création de la
personnalité inconsciente est abordée à travers la légende du juif
errant, autre figure du rêve de Miss Miller. On cite les légendes et la
tradition de l’histoire chrétienne, juive et mithriaque qui renvoient au
symbolisme du soleil et où l’on trouve le poisson comme symbole de
régénération et de renaissance. Dans ces textes, les héros sont en même
temps mortels et immortels. La force psychique vitale, la libido, se
symbolise régulièrement par le soleil ou se personnifie dans des figures
de héros solaires, autres images de mortalité et d’immortalité. Brève
analyse des motivations inconscientes, comme le problème de l’inceste et
celui des désirs cherchant à se faire reconnaître.