Adnan Sözmen, narrateur et personnage principal de ce roman, est un
journaliste qui a eu ses heures de gloire. Du matin où il ne peut plus
entrer dans le grand immeuble de son journal, où les gens, de l’hôtesse
d’accueil au sommet de la hiérarchie, qu’il côtoie quotidiennement ne
lui parlent plus, se détournent de lui, sa vie bascule. À présent, il se
trouve près de toucher le fond que ce soit dans sa vie sociale,
professionnelle ou affective, l’alcool et ses illusions aidant. Le jour
où il se fait licencier, il rencontre « par hasard » Dogan, son
beau-frère - le fils de la seconde épouse de son père - qu’il a perdu de
vue depuis longtemps mais avec lequel il a partagé son enfance et dont
il a gardé de mauvais souvenirs en raison, entre autres, de leurs
grandes divergences politiques. Dogan, craignant pour sa vie, demande à
Adnan de lui accorder son aide. Celui-ci, presque malgré lui, par
instinct journalistique et par curiosité, va finir par s’impliquer dans
cette affaire complexe qui va le mettre en butte à ce qu’on appelle en
Turquie le Derin Devlet, c’est-à-dire l’État Profond ou l'État dans
l'État constitué de hauts fonctionnaires, de membre des forces de
sécurité et de militaires qui agissent en dehors du gouvernement et qui
sont considérés comme protecteurs des intérêts nationaux même s’ils
utilisent des moyens illégaux. Adnan va donc avoir affaire avec des
bandes organisées, constituées entre autres d’ex-militants
d’extrême-droite impliquées à la fois dans la lutte contre l’ASALA
(mouvement arménien) ou contre la guérilla kurde et dans le trafic de
drogue et les affaires mafieuses.
Ce roman fait directement référence à l’accident de Susurluk qui eut
lieu en 1996 et qui fit scandale suite à la découverte de la présence
dans la Mercedes accidentée
d’un haut responsable de la police qui
commandait des unités antiguérilla,
d’un homme en fuite recherché pour
trafic de drogue et meurtre
et d’un chef de guerre kurde, dont la milice
était financée par le gouvernement turc pour lutter contre la guérilla
du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Au-delà de l’intrigue fort bien menée et qui maintient le suspense
jusqu’à la fin, l’auteur-narrateur laisse une large place à la
description de la personnalité du journaliste tout en l’installant dans
les tons sombres de son environnement urbain, familial et social. Ahmet
Ümit crée une sorte d’histoire dans l’histoire. Par flash back, il
évoque l’enfance et l’adolescence d’Adnan Sözmen en s’attardant
notamment sur ses relations avec son père et son beau-frère et il nous
entraîne dans les méandres de l’esprit de son héros embué par l’alcool
et taraudé par la névrose. Ce roman, véritable tableau vivant de la
Turquie urbaine d’aujourd’hui, met en scène cette dernière avec tous ses
travers, ses contradictions notamment dans sa façon de vouloir
absolument « singer » l’Occident américain ; une fable moderne et juste,
un geste romanesque profondément ancré dans la réalité.
“İnsanların sahip oldukları bilgiler içinde en fazla yararlı ve en az ilerlemiş olanı,insan hakkındaki bilgi gibi görünüyor;Delphes tapınağındaki yazıtın(Kendini tanı)tek başına ahlakçıların bütün iri kitaplarından çok daha önemli ve güç bir temel kural içerdiğini söylemeye cesaret ediyorum.Çünkü insanlar kendilerini tanımaya başlamazsa,insanlar arasındaki eşitsizliğin kaynağı nasıl bilinebilir. ” (Cenevre'li,mesleksiz,işsiz,parasız ve hiçbir toplumsal estate ile bağlantısı olmayan Rousseau)