29 Haz 2011

Une trop bruyante solitude

" Voilà trente-cinq ans que j'emballe des livres et du vieux papier et je vis dans un pays qui sait lire et écrire depuis quinze génération; j'habite un ancien royaume où c'est depuis toujours l'usage et la folie de s'entasser patiemment dans la tête images et pensée porteuses de joies inexprimables et de douleurs plus fortes encore, je vis au milieu de gens prêts à donner jusqu'à leur vie pour un paquet d'idées biens ficelées. Et maintenant, tout cela se répète en moi; voilà trente-cinq ans que je bois des litres de bière, pas pour boire - j'ai la terreur des ivrognes -, mais pour aider la pensée, pour mieux pénétrer au cœur même des textes, parce que lorsque je lis, ce n'est pas pour m'amuser ou faire passer le temps ou encore mieux m'endormir; moi qui vis dans un pays où, depuis quinze génération, on sait lire et écrire, je bois pour que lire m'empêche à jamais de dormir, pour que lire me fasse attraper la tremblote, car je pense avec Hegel qu'un homme noble de cœur n'est pas forcément gentilhomme ni un criminel assassin. Si je savais écrire moi, j'écrirais un livre sur les plus grand malheurs et les plus grand bonheurs des hommes. "
 pg11-12 
 «Je ne suis venu au monde que pour écrire Une trop bruyante solitude»
 Bohumil Hrabal